mardi 23 avril 2013

Spectacle X Politique

Spectacle et politique


Je me suis demandée depuis plusieurs mois ce que ça fait que de mettre ces deux mots ensemble ? Et de rapporter ça à la vie quotidienne, aussi. J'ai réussi à établir une chouette bibliographie. Bien entendu, je n'ai pas lu tous ces livres en entier, tout au plus 2 ou 3 d'entre-eux. J'invite les personnes qui le souhaitent à se joindre à ma réflexion. Et à me contacter pour qu'on en discute ensemble. Cette réflexion n'est ni universitaire et ultra-sérieuse et objective, ni superficielle. Il s'agit tout d'abord de mettre en évidence certaines idées reçues, d'essayer de croiser théorie et pratique, généralités et personnel, de faire s'affronter l'anarchiste et l'artiste sur une scène avec drapeaux* et paillettes.

Thématiques :

- art et politique : les artistes engagés (cf Spectateur émancipé)
- le Spectacle selon Debord
- rôles et statuts sociaux (voir Goffman)
- prise de rôle comme moyen d'émancipation (Boal et Starhawk)
- les clowns militants, à l'image de l'absurdité du monde politique
- le masque : de théâtre, la cagoule, le travestissement, l'usurpation d'identité...
- Genderfuck, subversion
- ...

Pratiques intéressantes :

- théâtre de l'opprimé
- la V-Day
- pornoterrorisme
- Roller Derby
- ...

Livres :

- La société du Spectacle, Debord
- Le spectateur émancipé, Rancière
- L'arrangement des sexes ; Mise en scène de la vie quotidienne... tout de E. Goffman (bon courage)
- Pornoterrorisme, Diana Torres
- Starhawk citée dans Micropolitiques des groupes (en ligne)
- Théâtre et féminin, Muriel Plana
- A voir : Platon, Marx, Feuerbach, Rousseau, Artaud...

Notes de lecture, détails et liens à venir. J'ai de la matière pour papoter mais il me faut la rassembler. Sur les "thématiques" un peu précises j'ai l'intention de commencer à creuser un peu dès que j'aurai le temps.

* qui brûlent

(ce qui suit, ce sont des ajouts au fur et à mesure)

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Liens :

# A propos de L'arrangement des sexes d'Erving Goffman
http://www.chiennesdegarde.com/article.php3?id_article=192

# Micropolitiques des groupes
http://micropolitiques.collectifs.net/
Aussi téléchargeable en entier ici


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Notes dispersées


A propos du Spectateur émancipé

Déjà, j'adore Jacques Rancière. Je vous le conseille vivement, excepté La haine de la démocratie, un peu trop peoplitique...
Inspiré par Joseph Jacotot, il a écrit Le maître ignorant. Et il s'en est réinspiré pour Le spectateur émancipé. Dans les lignes qui suivent, il parle aussi de "partage du sensible" qui est aussi le titre d'un de ces livres.

# Chapitre I lu à l'envers
L'idée maîtresse est qu'il n'y a pas d'un côté le maître qui sait et de l'autre l'élève qui ignore, et qu'on accède au savoir par le grand sacrifice de l'apprentissage (il ne parle peut-être pas de sacrifice, mais je trouve la référence judéo-chrétienne à propos). Tout le travail n'est donc pas une conquête de savoir mais plutôt un art de la traduction. "art de traduire, de mettre ses expériences en mots et ses mots à l'épreuve[...] et de contre-traduire les traductions que [les autres] lui présentent." p17
Ca me rappelle quand, à l'école, les meilleurs étaient ceux qui comprenaient ce que voulaient les profs et non celleux qui avaient le plus de talent.

En fait, JR ne justifie pas l'égalité des intelligences par une démonstration scientifique ou quoi que ce soit. Il part de ce principe arbitraire :
"L'émancipation intellectuelle est la vérification de l'égalité des intelligences. Celle-ci ne signifie pas l'égale valeur de toutes les manifestations de l'intelligence mais l'égalité à soi de l'intelligence dans toutes ses manifestations."
Comme d'autres (ceux qui ont pensé la société dans laquelle on vit) ont d'autres façons de voir les choses :
"Ces oppositions - regarder/savoir, apparence/réalité, activité/passivité - sont tout autre chose que des oppositions logiques entre termes bien définis. Elles définissent proprement un partage du sensible, une distribution a priori des positions et des capacités et incapacités attachées à ces positions. Elles sont des allégories incarnées de l'inégalité."

"Ainsi on disqualifie le spectateur parce qu'il ne fait rien [... alors que les] spectateurs composent leur propre poème". p19

En fait j'ai sauté tout le début du chapitre 1 pour arriver à la page 20... avant tout ça il parle du paradoxe du spectateur et de ce que les différentes écoles de théâtre en ont fait. Car le spectateur est séparé de sa capacité de connaître ("ignorant le processus de production de cette apparence ou la réalité qu'elle recouvre") et du pouvoir d'agir (il est passif). Pauv' petit spectateur, il est vraiment à plaindre pas vrai ?
Page 10, il évoque deux réponses à cela. On va aller très vite encore une fois... l'une est celle du communiste Bertolt Brecht qui décide de montrer le côté factice du théâtre en faisant prendre de la distance au spectateur (par la mise en scène, etc, dans le but de rendre conscient le spectateur). L'autre est celle d'Antonin Artaud qui à l'opposé abolit la distance raisonneuse. Il a créé le théâtre de la cruauté dont le but est de vous en mettre plein la gueule ("Sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n'est pas possible. Dans l'état de dégénérescence où nous sommes c'est par la peau qu'on fera rentrer la métaphysique dans les esprits.")
 Dans les deux cas, le théâtre se donne comme une médiation tendue vers sa propre suppression. p14

Ensuite il explique le Spectacle de Debord. Et d'où ça vient... - pour reprendre mes notes :
aliénation - Marx
religion - Feuerbach
mimesis - Platon
et hop la boucle est bouclée, le spectacle c'est le maaaal, la dépossession de soi...
JR parle d'une "vision romantique de la vérité comme non-séparation" à propos de ceux cités juste avant. Et tout cela il en parle juste avant d'évoquer la distance (entre maître et ignorant) qui n'est pas un mal mais la condition normale de toute communication - voir au début. (finalement ça n'a pas que du mauvais de lire dans le désordre)
Page 21, il revient dessus : "Dans cette logique, la médiation d'un troisième terme (le livre du maître ou la performance de l'artiste) ne peut être qu'illusion fatale d'autonomie, prise dans la logique de la dépossession et de la dissimulation. La séparation de la scène et de la salle est un état à dépasser [...] prise de possession de la rue, de la ville ou de la vie [...] Mais une chose est la redistribution des places, autre chose l'exigence que le théâtre se donne  pour fin le rassemblement d'une communauté mettant fin à la séparation du spectacle."

La page 23 est encore mieux mais j'ai la flemme de recopier... :D

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Une interrogation...
Pour avoir une société, il lui faut une culture commune. des mythes et des images auxquels se référer. ma question est : à quoi doivent ressembler les mythes de la société qu'on souhaite ? des mythes qui pourraient supporter des changements ou peut-être plutôt des variations... est-ce que vous connaissez des gens qui parlent de ça ? est-ce que vous avez des idées ?
Nous notre société c'est Adam et Eve, le pécher, les sacrifices, les confessions, la rédemption, l'attente du messie...
et ces notions on les retrouve partout : regardez donc chez les communistes :
Marx a écrit la Bible, Lénine a mis en oeuvre la parole sainte, les militants se sacrifient, se rachètent une conscience, attendent la grande Révolution...